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Être sélectionneur

Qu’est-ce que c’est ?

 Sélectionner, c’est tenter de créer une nouvelle variété, stable et reproductible dans le temps, réunissant des caractéristiques répondant aux demandes des agriculteurs, des consommateurs et aux besoins des transformateurs dans le cas d’une espèce industrielle.

Être sélectionneur, c’est collecter, décrire et conserver la biodiversité.

Être sélectionneur, c’est, dans un premier temps, essayer de rassembler le maximum de la diversité génétique de l’espèce à améliorer et de ses apparentés plus ou moins sauvages. C’est observer et  décrire les caractères de chaque introduction, maîtriser leur mode de reproduction de façon à les maintenir à l’identique et pouvoir en disposer à tout moment.  Une collection de ressources génétiques rassemble  ainsi plusieurs centaines à plusieurs milliers d’introductions, sous une forme adaptée à l’espèce : graines, vergers, voire aujourd’hui cultures de tissus in vitro, etc. Elle constitue le patrimoine et la “matière première” du sélectionneur. Sa diversité, la qualité des observations et notations dont elle est l’objet, son enrichissement permanent déterminent le potentiel d’amélioration. Aujourd’hui, des techniques comme la mutagénèse ou le transfert de gènes permettent d’élargir la diversité génétique exploitable par le sélectionneur. Chaque sélectionneur ou entreprise de sélection a donc commencé par rassembler le matériel génétique nécessaire à ses activités. C’est dans ces collections, constituées pour certaines dès le début du XVIII° siècle, et grâce aux sélectionneurs qui les ont depuis scrupuleusement entretenues, que les nouveaux défenseurs de la biodiversité viennent aujourd’hui se réapprovisionner en variétés anciennes qui, autrement, auraient disparu depuis longtemps.

Être sélectionneur, c’est connaître les besoins et demandes de chacun des maillons de la filière, du producteur de semences au consommateur ou utilisateur final.

Être sélectionneur, c’est se donner des objectifs d’amélioration. En premier lieu, il s’agit de mettre au point des variétés plus tolérantes ou résistantes aux contraintes naturelles (ce qui mobilise environ la moitié des efforts de sélection actuels) : parasites et maladies des cultures, températures extrême, sécheresse… et qui utilisent plus efficacement les intrants (eau, engrais…). Contrairement à ce qui est couramment affirmé, les variétés modernes sont à la fois moins sensibles aux aléas, plus productives et moins exigeantes en facteurs de production. Quelques  exemples : pour la betterave sucrière, sur la période 1980-2010, le rendement en sucre a été doublé (de 8  à plus de 16 tonne/ha) et les apports en azote diminués de moitié. Sur la même période, pour le blé, l’écart de rendement entre situations avec ou sans protection fongicide tend à se réduire, le gain de productivité des nouvelles variétés étant plus rapide en absence de protection : 1,29 q/ha/an contre 0,91 q/ha/an avec protection fongicide.

Mais le sélectionneur ne se limite pas à satisfaire les demandes des agriculteurs ; il intègre aussi les demandes des consommateurs et des industries de transformation :
 les qualités organoleptiques pour les fruits et les légumes (il est rare aujourd’hui de “tomber” sur un mauvais melon, ce qui n’était pas exceptionnel avant les années 1990) ;
> la diversification des cycles de production pour alimenter les marchés sur une plus grande période et des types variétaux  pour répondre aux diverses conditions de production (cultures sous serres, production en contre saison) ;
> l’amélioration de la composition et de la valeur nutritionnelle du produit récolté (les huiles de colza ou de tournesol proposées aujourd’hui aux consommateurs sont très différentes de celles produites dans les années 1980) ;
> la spécialisation des variétés pour mieux répondre aux différents usages : panification française, panification anglaise, biscuiterie, biscotterie, alimentation animale, production d’amidon, production d’éthanol  dans le cas du blé ; orges fourragères et orges de brasserie qui répondent à des critères extrêmement différents ; etc.

Être sélectionneur,  c’est travailler à  moyen et à long –voire très long – terme !

Être sélectionneur, c’est bâtir les stratégies qui vont permettre le meilleur compromis possible entre des objectifs multiples, souvent contradictoires. C’est tout d’abord prévoir le plan de croisements, plus ou moins complexe, qui va permettre de réunir les gènes favorables, en faisant éventuellement appel aujourd’hui aux biotechnologies les plus avancées : (fusion de protoplastes, transgénèse…).
Puis ensuite, c’est bâtir le système de sélection qui, au fil des générations, va permettre tout à la fois :
> de fixer les caractères d’intérêt et
> d’éliminer tous les gènes non souhaités qui les accompagnaient.

Dans le cas le plus simple, le plan de croisement se résume à une génération : l’hybridation des deux parents et la récolte de leur descendance ; mais ce nombre de générations augmente avec le nombre de parents. Quant à la phase de sélection, c’est à la fois la plus longue et la plus coûteuse : de six à huit générations au minimum avec, à chaque génération, la réalisation de tests d’évaluation au champ ou en conditions contrôlées :
> comportement agronomique, rendement, tolérance aux maladies et parasites… ;
> analyses physiques ou chimiques au laboratoire (teneur en fibre, teneur et composition des protéines, teneur et composition des huiles…) ;
> jusqu’à des essais technologiques (panification pour les blés boulangers, micromaltages pour les orges de brasserie…) etc ;
> des tests de dégustations par des panels spécialisés (fruits, légumes, pâtes alimentaires pour le blé dur…).

Au total, une fois le programme de sélection conçu, sa réalisation demande donc au minimum sept à dix générations, soit sept à dix ans, le double pour une plante bisannuelle (oignon, carotte, betterave, de nombreuses ornementales…) et bien plus encore dans le cas des plantes pérennes (arbres fruitiers, forestiers, etc.). Bien sûr, de nombreuses techniques permettent de raccourcir ces délais (générations en serre ou en contre-saison, culture d’embryons in vitro, haplo-diploïdisation, etc.). Les progrès des biotechnologies donnent aujourd’hui directement accès aux gènes (marqueurs moléculaire, sélection génomique, etc.) et, en permettant de s’abstraire partiellement des évaluations, sur les plantes entières et leurs produits, ouvrent la voie à une sélection à la fois plus pertinente et plus efficace. Cependant, le niveau, la diversité et la complexité des demandes ne cessant d’augmenter, la création variétale demeurera toujours une aventure de longue haleine.

Être sélectionneur, c’est répondre aux défis du XXI° siècle

Selon la FAO, nous sommes aujourd’hui plus de 7,5 milliards de terriens ; nous serons près de 10 milliards en 2050 (le temps de réaliser 2 à 3 cycles de sélection !) et plus 11 milliards en 2100. Les plantes sont à la base de notre alimentation et d’une multitude de matières premières renouvelables qui nous sont indispensables. Les besoins sont énormes. Par exemple, en 2013, il était estimé que pour le blé, au niveau mondial, la production cumulée des 50 prochaines années devra dépasser le total de ce qui a été produit depuis les débuts de l’agriculture il y a 10.000 ans. Les défis sont du même ordre pour les autres espèces. Sous réserve d’avoir librement accès aux ressources génétiques qu’ils ont su collecter et maintenir jusqu’à aujourd’hui et de pouvoir utiliser sur une base purement scientifique toutes les possibilités qu’offrent les nouvelles biotechnologies, les sélectionneurs sont capable d’y répondre. A condition toutefois de leur permettre d’avancer dans un climat serein, débarrassé des craintes irrationnelles et de tout dogmatisme.

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